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IDENTIFICATION LETTRE : 58
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Portefeuille : |
XI |
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Lieu : |
Munich |
Expéditeur : |
Prince Eugène |
Destinataire : |
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Date républicaine : |
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Date grégorienne : |
5 juin 1817 |
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Votre lettre du 25 Février dernier vient de me parvenir, Mon Cher Cousin, et je m'empresse d'y répondre. Celle que je vous ai écrite le 18 Avril de cette année et que sans doute vous aurez reçue maintenant, vous aura déjà fait connaître ma façon de penser à l'égard de la conduite de Monsieur Berdot envers son fondé de pouvoirs, Monsieur Barrois.
Cette opinion n'est point changée et j'éprouve toujours un véritable regret que l'homme auquel j'avais cru devoir retirer ma confiance ait trouvé de l'appui en vous contre celui auquel je venais de la donner et par qui je ne saurais douter qu'elle ne soit pleinement justifiée, si cependant mon espoir à ce sujet pouvait être trompé. J'aime à penser que S.E. Monsieur le Comte de V... à qui j'ai eu l'honneur d’écrire pour recommander Monsieur Barrois à sa protection aurait la bonté de m'en faire prévenir; et si vous aviez quelques faits positifs à me faire connaître sur cet objet, je regarderais les participations que vous m'en donneriez comme une nouvelle preuve de votre attachement.
Ma détermination de faire remplacer Monsieur Berdot m'a été inspirée par les rapports que j'ai reçus de lui. Ils ne pouvaient me satisfaire sur aucun point de vue; et j'ai regardé comme un devoir pour moi, en ma qualité de père d'une famille nombreuse, de ne pas laisser plus longtemps entre ses mains une portion de la fortune de mes entants: portion dont je dois d'autant plus chercher à tirer un parti avantageux qu'elle a déjà été pour moi un objet de dépenses très onéreuses pour que je sache encore quel dédommagement elle pourra me présenter.
J'ai remboursé à ma soeur la moitié du prix de l'estimation totale de votre héritage aux Iles; et je vois qu'indépendamment de toutes les avances que j'ai faites, il y a, avec le commissionnaire, un arriéré considérable outre la somme énorme que réclame Monsieur Berdot. Vous conviendrez que cet état de choses n'est point satisfaisant et que je ne dois rien négliger pour que cette propriété retrouve toute la valeur qu'elle doit avoir. Je serais encore disposé à m'en défaire; et si votre intention était toujours d'en devenir acquéreur, je vous donnerais volontiers la préférence. Faites moi donc savoir vos idées a ce sujet et envoyez-moi un projet de contrat de vente; mais je dois vous prévenir que d'après les sommes que j'ai du payer a ma soeur, et mes autres déboursés, le prix auquel elle a été portée dans l'estimation serait le dernier auquel je pourrais consentir à traiter, et à condition qu'un tiers serait paye comptant et le reste d'année en année par somme de 50 mille francs au moins.
Je ne saurais comprendre, je vous l'avoue, le compte de Berdot puisqu'il en résulte qu'il se trouve en avance de 28 mille livres, lui qui paraissait n'avoir aucun fond par devers lui et à qui nous avions dû avancer, lorsqu'il a quitté Paris, l'argent nécessaire pour son voyage. Un tel compte me parait devoir être débattu entre lui et son successeur avec tous les détails qui peuvent y répandre la lumière que je ne saurais y trouver. Je suis persuadé que dans tous les cas il n'y aura de la part de Monsieur Berdot que de l'inadvertence et je ne lui retire point ma protection; mais ma conduite avec lui, à l'avenir, dépendra de sa propre manière d'agir.
Croyez, Mon Cher Cousin, que je serai toujours très reconnaissant des soins que vous avez bien voulu donner à mon habitation, soit du vivant de ma mère, soit depuis que j'ai eu le malheur de la perdre; mais vous sentirez vous-même, j'en suis sur, que les rapports que d'anciennes relations rendaient très faciles entre vous et Monsieur Berdot ne seraient peut-être avec son successeur qu'une source de tracasseries qui tournent toujours au détriment d'un propriétaire et, qu'a une distance aussi éloignée surtout, un agent seul responsable doit administrer seul.
Je lui demande néanmoins de se montrer disposé à suivre vos conseils; il les recevra avec reconnaissance et il connaît trop bien les sentiments que je vous porte pour que j'aie à craindre qu'il oublie un seul instant les égards qu'il vous doit.
J'ignorais entièrement ce que vous me marquiez relativement pour dix libertés qui doivent être données à mes esclaves; mais en attendant je ne vois pas pourquoi les individus auxquels ce bienfait doit être accordé n'auraient pas pu jouir sur mon habitation des mêmes avantages que vous leur avez permis chez vous; et je vous prierai de bien vouloir les y faire rentrer car c'est là, dans tous les cas, sur l'habitation même où ils ont mérité une récompense, qu'ils devront la recevoir.
Je ne puis pas supposer que votre intention soit, Mon Cher Cousin, de réclamer une indemnité pour la surveillance que vous avez bien voulu exercer sur mes propriétés de la Martinique: cela ne saurait être convenable ni pour vous, ni pour moi; et dans cette persuasion, je me fais un plaisir de vous offrir comme gage de ma reconnaissance et de mon amitié la tabatière ornée de diamants et de portraits, les bagues et les autres bijoux dont vous vous êtes rendu dépositaire et j'espère que vous voudrez bien les agréer.
Adieu, Mon Cher Cousin. Donnez-moi toujours de vos nouvelles et de celles de votre famille. Votre frère Louis et la sienne se portent fort bien. Je vous renouvelle l'assurance de mon attachement.
Votre bien affectionné cousin
/S/ Prince Eugène |
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